LA VOUIVRE

1919: la guerre est terminée. Arsène Muselier, qu'on croyait mort, revient au village. Il a été gravement blessé à la tête et est parfois sujet à des absences au cours desquelles il délire. Tout le monde se réjouit de son retour : Louise, sa mère, et Urbain, le vieux journalier qui l'a élevé après la mort du père. Belette, aussi, la simple d'esprit avec laquelle il a joué toute son enfance. Et puis Requiem, le fossoyeur ivrogne qui partage ses beuveries avec la Robidet, une souillon aux grands airs qui disparaît un jour sans crier gare.

La vie est rude au village. Bien des hommes sont morts et l'ouvrage est lourd pour les femmes, d'autant que certains, comme Victor, le frère d'Arsène, sont des fainéants. Et puis l'absence des mâles rend folles certaines, telle Germaine qui se rue sur tout ce qui porte pantalon - enfant ou vieillard - comme pour rattraper tant d'amour perdu.

Beaucoup trouvent refuge dans la légende, celle de la Vouivre, la folle des eaux, apparition au corps superbe qui hante les marais, un diamant au cou et des centaines de vipères autour d'elle pour monter la garde. Arsène, lui aussi, a vu la Vouivre. Mais, lui, il l'a touchée, l'a aimée, nuit après nuit. Du moins le croit-il, car peut-être a-t-il encore déliré, n'est-il pas, comme le disent les femmes, devenu impuissant ?

Quoi qu'il en soit, Arsène, halluciné, court les marais aux rendez-vous de sa compagne de rêve. Belette, qui l'aime en secret et le sait pris par une autre, se donne à Victor; Arsène, qui les a surpris, semble bouleversé. Il fuit dans les marais. Belette court derrière lui et découvre, par terre, le diamant de la Vouivre. Pour la protéger des vipères, Arsène se couche sur elle, l'enlace. C'est près de leurs cadavres que la folle des eaux ramassera son bijou avant de disparaître dans les flots.