LA GUEULE OUVERTE

Monique Bastide, la cinquantaine, est atteinte d'un cancer généralisé. Elle n'a plus que quelques mois à vivre. Son fils Philippe la ramène dans la petite ville d'Auvergne où elle a toujours vécu : elle y passera ses derniers moments auprès de son mari, Roger, dans la boutique de mercerie où les clients se font rares. Tant bien que mal, Roger organise le quotidien; entre les soins et les repas de la malade, déjà inconsciente, il boit, chez lui ou au bistrot sur la place, pour oublier en se grisant. A l'occasion, il lutine une jeunesse, comme il l'a d'ailleurs toujours fait, pour se prouver qu'il est encore vert, bien vivant.

Philippe, qui habite Paris, vient souvent pour l'aider et lui tenir compagnie. Sa femme Nathalie est parfois avec lui, plus par solidarité que par affection : ses beaux-parents ne l'ont jamais aimée, lui reprochant de ne pas être assez " bien " pour leur fils. Mais elle aussi participe à ce qui ressemble de plus en plus, les jours et les nuits passant, à une longue veillée mortuaire.

Les deux jeunes gens semblent trouver, au voisinage de la mort, des raisons nouvelles de s'affirmer en vie, s'aimant chaque fois qu'ils le peuvent. Bien plus, lorsque Nathalie est partie, Philippe recherche des compagnes de passage, parfois même une prostituée, pour étreindre la vie alors que, tout près, elle s'échappe du corps qui l'a mis au monde.

Enfin, Monique meurt. Après la cérémonie, Roger s'effondre : ils ont vécu ensemble trente-quatre ans - " Elle était gentille " - Philippe et Nathalie le laissent à sa boutique. C'est la nuit; Roger éteint les lumières.